Elles aussi 

L'histoire s'est aussi écrite au féminin.


Las Mariposas († 1960) : mourir pour la liberté

Elles sont soeurs.

Las Mariposas.

Patria, Minerva et María Teresa Mirabal.

Elles sont dominicaines et elles sont toutes les trois décédées le 25 novembre 1960, victimes de la dictature de Rafael Trujillo en République dominicaine.

Elles sont surnommées « Las Mariposas » (Les Papillons).

Et voici leur histoire.

La République dominicaine de Rafael Trujillo (1931-1960)

Issu d’une famille pauvre de l’île, Rafael Trujillo fut militaire puis régna sur la République dominicaine de 1930 à sa mort le 30 mai 1961. Le généralissime applique, pourrait-on dire, les règles des dictateurs à la lettre : à la tête de l’armée, il place les membres de sa famille aux postes clefs de l’État et il fait exécuter ses opposants (notamment dans une crique pleine de requins). D’abord président de 1930 à 1938, il gouverne ensuite la République dominicaine en utilisant des présidents comme marionnettes. Despote cruel, il met en place un régime particulièrement sévère notamment envers les Haïtiens qui travaillent dans les champs de canne à sucre de République dominicaine (il en fiât massacrer plusieurs dizaines de milliers en 1937 – « le massacre du Persil »). Pro-américain, son rôle dans l’assassinat du président vénézuélien ainsi que l’assassinat le 25 novembre 1960 des soeurs Mirabal, font diminuer son influence dans les Caraïbes et, surtout, lui font perdre ses soutiens. Le 30 mai 1961, moins d’un an après la mort des « Las Mariposas », sa Chevrolet est criblée de balles.

Las Mariposas. Les Papillons. Les trois soeurs Mirabal (mais comme les trois mousquetaires, elles étaient quatre) sont le symbole du déclin du dictateur.

Minerva, Patria et Maria Teresa voient le jour dans une famille aisée. Leur père est un riche propriétaire terrien et commerçant. Contrairement aux autres familles dominicaines, les Mirabal ne vouent aucun culte, ni n’ont aucune admiration envers Trujillo qui s’impose en 1930 à la suite d’un coup d’État. Patria (née en 1924), Minerva (née en 1926) et Maria Teresa (née en 1935) ont également une autre soeur, Belciga (née en 1925) mais dont le mari refusa son implication dans l’opposition contre le dictateur.

Patria devient dactylographe, Minerva sera d’abord diplômée en Lettres et Philosophie puis en droit. Maria Teresa, elle, étudier les Mathématiques.

1949. Le déclic

1949. La famille Mirabal est invitée à une soirée en l’honneur de Trujillo en visite dans leur ville. Minerva est belle, d’une beauté renversante et Trujillo la remarque. La famille sera ensuite invitée à d’autres soirée auxquelles assistent le dictateur. Minerva tient bon. Elle ne sera jamais la maîtresse de Rafael Trujillo.

Mais on ne refuse rien au dictateur. Alors que Minerva lui signifie qu’elle ne cédera jamais à ses avances, son père est arrêté puis ce sera le cas de Minerva. La famille Mirabal est surveillée et Enrique Mirabal, une fois libéré, mourra des suites des tortures subies.

Minerva Mirabal étudie alors le droit et épouse Manolo Tavares Justo, opposant, comme elle, à la dictature de Trujillo, avec lequel elle aura trois enfants. Peu à peu, dans le sillage de Minerva, Patria et Maria Teresa s’engagent publiquement dans la lutte contre le dictateur. Réunions clandestines, résistance intérieure, tract et combat. Minerva est « mariposa », le papillon. Avec ses soeurs, elle seront « las mariposas ».

Le Mouvement Révolutionnaire du 14 juin

Mouvement guérillero, à tendance extrême-gauche, le Mouvement Révolutionnaire du 14 juin (ou 14J) est créé et dirigé par Minerva et son mari Manolo.

Le 14 juin 1959, une insurrection éclate : des troupes du Mouvement de Libération Dominicaine, composées essentiellement de dominicains réfugiés à Cuba (où Fidel Castro est tout juste Premier ministre depuis février) tente de renverser le pays. L’insurrection est matée par Trujillo mais le « ver » est dans la pomme de la dictature. Nous sommes en 1959, donc. Un peu plus d’un an avant l’assassinat des soeurs Mirabal et deux ans avant l’assassinat de Rafael Trujillo.

En janvier 1960, Minerva et Maria Teresa et leurs maris, ainsi que le mari de Patria et son fils sont arrêtés et emprisonnés. Ces arrestations sont condamnées à l’international et les États des deux Amériques envoient une délégation. Minerva et Maria Teresa, et seulement elles, sont libérées.

La lutte n’est pas terminée, bien sûr. Trujillo fait transférer les époux des soeurs Mirabal à une prison proche de chez elle. Officiellement, c’est un acte d’apaisement. Le 25 novembre 1960, les trois soeurs Miarabal reviennent de leur visite à la prison. Elles tombent alors dans un embuscade menées par les services secrets de Trujillo. Conduites dans une masure avec leur chauffeur, elles sont assassinées à l’aide de machettes. Leurs corps sont ensuite replacés dans l’automobile qui est jetée dans le vide, du haut d’une falaise. « Las Mariposas » se sont envolées. Elles avaient respectivement 34 (Minerva), 36 (Patria) et 25 ans (Maria Teresa).

Leur assassinat renforce l’opposition à Trujillo et la scène internationale condamne leur mort. Le 30 mai 1960, quelques mois plus tard, le dictateur est assassiné, sa Chevrolet criblée de balles. La soeur survivante crée alors la mémoire de « Las Mariposas », héroïnes et martyrs nationales aujourd’hui relativement oubliées au-delà de République dominicaine.

Le 25 novembre est, depuis 1999, la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette date n’a pas été choisie au hasard, bien sûr, et fait référence à l’assassinat des soeurs Mirabal.

Minerva aurait prédit quelques mois auparavant : « S’ils me tuent, je sortirai les bras de la tombe et je serai plus forte« .



Laisser un commentaire