Elles aussi 

L'histoire s'est aussi écrite au féminin.


Ada Lovelace (1815-1852), l’amour des mathématiques

Ada King, comtesse de Lovelace, peinte par Alfred Edward Chalon (possiblement), Science Museum de Londres

Ada Lovelace. Un nom de roman, de comédienne, n’est-ce pas? Pourtant, Ada, n’est rien de tout cela. Elle est issue de l’aristocratie britannique et y a évolué toute sa vie. Mais, avant toutes choses, Ada Lovelace est une mathématicienne, une scientifique. Mieux encore, c’est la première programmeuse de l’histoire. Un programme informatique porte d’ailleurs son prénom, Ada.

Ada Lovelace est née Augusta Ada Byron. Byron? Oui, comme Lord Byron, le poète et dramaturge romantique anglais, son père. Sa mère est la cousine d’une des maîtresses de Byron, Annabella Millbank. Elle est fortunée et intelligente, passionnée de mathématiques. La petite Ada ne connaitra pas son père, sa mère ayant demandé la séparation suite à des viols conjugaux (malheureusement commun à cette époque, mais quel modernisme et caractère que celui d’Annabella pour avoir refusé).

Mary Somerville (1780-1872)

Ada est riche, bien née et sa mère embauche des précepteurs eux-mêmes férus de mathématiques et scientifiques. Dès les années 1830, son amour des sciences via ses rencontres avec les plus célèbres personnalités scientifiques britanniques de son temps : Mary Somerville, déjà. La traductrice en langue anglaise de « La mécanique céleste » du Français Pierre-Simon de Laplace. Ecossaise et militante suffragette, Mary Somerville fut une scientifique de haute volée. Elle sera, avec Caroline Herschel, la première femme, membre de la Royal Astronomical Society (bref, des portraits à noter pour « Elles aussi » !).

Mary Somerville jouera un rôle central dans le parcours scientifique d’Ada. C’est grâce à elle qu’elle rencontre un certain Charles Babbage (1791-1871). Ce dernier est l’inventeur de l’ancêtre des ordinateurs, ni plus, ni moins : les machines analytiques. Ada se passionne pour ce projet de vie de Charles Babbage. Ni elle, ni lui ne les verront achevées mais leurs prototypes resteront le centre de leur vie.

Machine analytique de Charles Babbage

Au milieu des années 1830, Charles Babbage a l’idée de créer des machines à calculer dont l’objectif est de permettre l’impression de tables mathématiques. Il a l’idée d’incorporer des cartes du métier Jacquart (métier à tisser mis au point par un Lyonnais, un certain Joseph Jacquart – c’est le premier système mécanique programmable !). La lecture séquentielle de ces cartes donne alors des instructions à sa machine. Le même principe, plus rudimentaire bien sûr, que celui des ordinateurs.

Ada se passionne pour ces machines. On considère qu’Ada a écrit le premier « programme informatique » permettant de calculer les nombres de Bernouilli, une suite de nombres complexes récurrents. Elle traduit en 1842 le mémoire de Louis-Frédéric Menebrea sur les machines analytiques et placera ces dernières au centre de sa vie de scientifique. Pour elles, elle s’endettera. Charles Babbage n’ayant pas obtenu de financement, elle lui consacre sa fortune. Puis elle se met à jouer. Pour la magicienne des nombres qu’elle est, le hasard des jeux d’argent n’en est pas. Elle met en place un système pour remporter les paris du derby d’Epsom. Mais les dettes se multiplient et la santé d’Ada, qui n’ jamais été bonne, se détériore. Elle décède tragiquement jeune, à l’âge de 36 ans, des suites d’un cancer de l’utérus.

Anna Blunt (1837-1917)

Elle était mariée à William King, premier comte de Lovelace, qui l’encouragera à poursuivre sa passion pour les mathématiques. Avec lui, elle aura trois enfants : Byron, comme son illustre père qu’elle n’a pas connu, Annabella et Ralph. Annabella, plus connue sous le nom de Anna Blunt, a également eu une vie qui mérite d’être mentionnée ici. Avec son mari, Lord Blunt, elle se passionnera pour les chevaux et, plus précisément, pour les pur-sang arabes. Ils sont à l’origine du haras Carbet Arabian Stud et feront l’acquisition de nombreux pur-sang arabe, les faisant venir en Europe. On estime que la majorité des pur-sang arabes sont aujourd’hui issus d’un ancêtre Crabbet. Ayant eu une vie aventureuse, passionnée du Proche-Orient, Anna Blunt mourra au Caire en 1917.

Quelles femmes au destin si éloignés et pourtant si semblables : Ada et Anna étaient habitées d’une liberté d’esprit et d’une intelligence qui les ont poussé à repousser les normes établies. A l’époque d’Ada, la plupart des femmes, surtout de son rang, n’étaient guère encouragées à poursuivre des études. Je laisse les dernières lignes à Charles Babbage qui écrivait à propos d’Ada Lovelace à son ami Michael Faraday :

« C’est une enchanteresse des nombres qui a jeté son sort sur la science la plus abstraite qui soit »

Citation issue d’un article publié sur le site de la Bodleian Library d’Oxford : Christopher Holling, Ursula Martin & Adrian Rice, » Ada Lovelace and the Analytical Engine », (26/07/2018), in http://www.blog.bodleian.ox.ac.uk


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