Le docteur Girard-Mangin est une femme
Ce fut la seule femme. La seule femme1 médecin qui fut active sur le front pendant la Grande Guerre. Excusez-la du peu. Pourtant, le Dr. Nicole Girard-Mangin est aujourd’hui relativement oublié. D’ailleurs, elle est revenue à la vie civile, au lendemain de la guerre, sans honneur ni décoration.

Pourtant, elle a été directement sur le front. Elle a vu les corps déchiquetés par la violence absolue et sans précédent des tranchées.
La France de 1914 n’est pas ce que l’on pourrait appeler « égalitaire » en ce qui concerne les hommes et les femmes et leur place dans la société. Le monde de la médecin, de surcroit, est réservé aux hommes (n’imaginons même pas la place des femmes dans l’armée à l’époque). Une femme médecin, allons-donc ! Alors, une femme médecin à la guerre ?! Impensable. Pendant les quatre années où elle exercera sous les drapeaux, Nicole Girard-Mangin devra d’ailleurs se battre contre des confrères à l’esprit petit qui verront d’un très mauvais oeil une personne de sexe féminin venir les côtoyer au sein de leur propre science.
« Je dois à mes caducées et à mes brisques le prestige qu’il m’a fallu parfois auprès des ignorants et des sots »
Dr. Nicole Girard-Mangin dans une lettre envoyée à l’hebdomadaire « L’image de la guerre », 1.11.1916
Sa mobilisation est due à une erreur administrative. Le Dr. Girard-Mangin part. Une fois au milieu des blessés, il est trop tard pour la renvoyer. Malgré tout, même si elle reste, elle ne sera rémunérée comme un infirmier deuxième classe (autrement dit, rien du tout). Pendant une grande partie de la guerre, Nicole ne sera guère considérée ou traitée comme une médecin. Il faudra attendre son rôle à Verdun et des articles dithyrambiques dans la presse pour que l’administration militaire lui accord le titre de médecin-major.
Écartée du front par un inspecteur surpris d’y trouver une femme, elle est éloignée des combats et nommée à la tête de l’hôpital-école Edith Cavell – qui forme les infirmières – à Paris.
La médecine comme vocation
La petite Nicole Mangin naît en 1878 dans la Meuse. Son père est d’abord instituteur puis négociant en vins à Paris. C’est une bonne nouvelle et sa vocation, c’est la médecine. Une vocation plutôt rare pour une femme. Les femmes médecins, à cette époque, se comptent sur les doigts d’une main., en 1896, elle entame ses études et en 1899, elle débute son externat en 1899. Mais cette année-là, elle se marie avec un certain André Girard. Elle quitte la médecine pour élever son fils et s’installe dans la propriété de son mari, vers Saumur, négociant en vins (lui aussi !). En 1903, ils divorcent.

Nicole Girard-Mangin reprend ses études. Elle devient médecin, soutient sa thèse en 1909 sur les « poisons cancéreux ». Mais très vite, Nicole Girard-Mangin se consacre au fléau du siècle : la tuberculose. L’année de la déclaration de guerre, elle est à la tête du dispensaire anti-tuberculeux de l’hôpital Beaujon.
Seule femme médecin sur le front, malgré le dédain de l’administration militaire et de ses collègues médecins, le Dr. Nicole Girard-Mangin a droit à quelques articles dans la presse, notamment pour l’hebdomadaire « L’image de la guerre ».
« Je dois à ma casquette d’avoir gardé une coiffure correcte, même en dormant sur des brancards ; d’avoir tenu des heures sur un siège étroit sans gêner un conducteur. Je dois à mes larges et multiples poches, d’avoir toujours possédé les objets de première nécessité, un couteau, un gobelet, un peigne, de la ficelle, un briquet, une lampe électrique, du sucre et du chocolat. Je dois à ma chienne , née et élevée là-bas, bien des minutes d’oubli, son attachement désintéressé, m’a été doux ».
Dr. Nicole Girard-Mangin dans une lettre envoyée à l’hebdomadaire « L’image de la guerre », 1.11.1916
Une femme de combats

Revenue à la vie civile, Nicole reprend ses recherches, participe à la création de la « Ligue contre le cancer » (quand même !). Elle donne des conférences à la Croix-Rouge et s’engage pour la cause féministe. Le 6 juin 1919, toutefois, elle est retrouvée morte dans sa chambre, des médicaments à ses côtés. Malade? Épuisée? Nicole Girard-Mangin disparaitra dans l’oubli.
Il est grand temps, comme ses compagnes médecins, de la réhabiliter.
- Quelques femmes seront médecin durant la guerre, comme : Marie Wilbouchewicht-Nageotte, Madeleine Pelletier ainsi que les Dr. Collard-Huard ou Tissot-Monod. Elles restent encore plus oubliées que Nicole Mangin-Girard (c’est pour dire…!) ↩︎
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